Comment préférez-vous votre café? [feat Ange]

Rien de tel qu'un bon thé avant d'aller au travail... C'est ce que je me dis tous les jours mais neuf fois sur dix je suis en retard et je n'ai pas le temps de m'arrêter dans l'adorable petit Café qui pourtant n'est qu'à deux pas du centre de don du sang! En plus, ils y servent le meilleur thé aux épices que j'ai jamais bu avec double ration de miel et deux petits speculoos pour satisfaire ma gourmandise! Ah, que j'aime cet endroit! Et pour une fois je vais pouvoir me faire plaisir: j'ai pris mes précaution et ai quitté la coloc' largement en avance pour arriver au café à 19h sachant que mon service commence à 20h30. Avec un peu de chance et de motivation, j'arriverai même plus tôt au travail: les autres risquent de tomber de leur chaise...
 
En arrivant au café, tout s'annonce sous les meilleurs auspices. Certes il y a du monde et je fais un peu de queue pour aller chercher mon "Sweet & Spicy" mais le temps est délicieux et très légèrement couvert ce qui rendra une place en terrasse parfaitement délectable: je m'en lèche les babines par avance!
 
Quand je ressors du bâtiment, toutes les chaises sont occupées sauf celle à la table d'un jeune homme blond qui semble perdu dans ses pensées. Je saute sur l'occasion d'en plus avoir de la compagnie et lui dit, tout en tirant la chaise et en affichant mon plus beau sourire:
 
"Bien l'bonjour! La place est prise?"

Je relève les yeux vers l'homme qui vient de me parler. Je n'ai aucun mal à comprendre de quoi il s'agit. Malgré tout je le laisse s'asseoir. Avec les nouvelles réglementations sur la tolérance et toutes ces conneries, je risquerais d'avoir des ennuis...

- Nan.

J'attrape mes affaires et les tire vers moi. Il va penser que c'est pour lui faire de la place. Mais je ne veux simplement pas qu'un sale suceur de sang s'approche de ce qui m'appartient. On ne sait jamais, avec eux...bon, il compte rester longtemps? C'est que j'étais parti pour rester un moment...quelle plaie...

Et en plus il écarte ses biens pour me faire de la place: c'est vraiment une bonne soirée qui commence! J'accroche rapidement mon sac à dos sur le dossier de la chaise et pose mon gobelet sur la table avant de m'asseoir. Je retire le couvercle de ma boisson et me penche en avant pour inspirer le parfum sucré qui s'en dégage, je ferme même les yeux quelques secondes pour l'apprécier d'avantage. Je les rouvre et pose mon regard sur l'homme qui me fait face. Il a un regard suspicieux mais il faut dire qu'entre ma veste trouée et mon bonnet mité, je ne dois pas vraiment inspirer confiance... Comprenant qu'il ne sera pas celui qui initiera le contact, je me lance:
 
"Ah... Sweet & Spicy... C'est mon préféré, ce que je prend à chaque fois que je viens! Vous avez déjà goûté?"

Quoi? Pourquoi il me parle lui? Et puis en plus c'est pour dire des conneries comme ça...il me prend vraiment pour un con. Comme si je connaissais pas déjà sa boisson préférée...

Je le toise un instant. Ça pourrait être lui. Ça pourrait être n'importe lequel de ces connards d'immortels. Et il vit si innocemment dans la nature, comme ça...on vit vraiment dans une société pourrie. Je hausse les épaules.

- Nan.

J'affiche une moue déçue avant de reprendre:
 
"Dommage, c'est délicieux... En fait, c'est du thé! Vous me direz, pourquoi prendre du thé alors qu'on est dans un Café, mais va savoir pourquoi, d'aussi loin que je m'en souvienne -c'est à dire très loin- je n'ai jamais aimé le café... Du coup, le Sweet & Spicy est parfait! C'est un thé épicé avec beaucoup de miel et qui en plus va terriblement bien avec les petits biscuits qu'ils donnent en accompagnement. C'est tellement sucré, j'adore!"
 
ne le voyant pas réagir je poursuis, bien décidé à le dérider un peu:
 
"Y a pas à dire, si vous aimez le thé et le sucre, vous devez absolument tenter l'expérience! Après tout, "on ne peut pas juger tant qu'on a pas goûté" est une vérité générale!" Je ponctue cette dernière phrase d'un sourire et d'un clin d’œil avant de porter mon gobelet à mes lèvres.

Putain mais quel con...c'est incroyable ces gens qui se permettent de raconter leur vie au premier inconnu...

Je lève les yeux vers lui et lui sourit un peu. Hypocrisie, mon amie...

- Je n'aime pas le thé. Comme vous le voyez je prends du café. Et j'aime le calme, aussi...

"Oh! Désolé..." J'affiche un petit sourire gêné en me grattant la tête enfin.. le bonnet...
 
Sa façon de parler, bien qu'expéditive, avait au moins le mérite d'être explicite. N'osant à nouveau l'aborder, je me contente d'avaler une gorgée de ma boisson et  -après m'être brûlé la trachée au 3ème degré- repose ma boisson sur la table. Je l'observe quelques secondes et, ne voyant aucune ouverture ou le moindre signe d’intérêt à mon encontre, j'entreprend de tremper mon speculoos dans le liquide bouillant qui trône devant moi.

Je le fixe toujours. Il a un look vraiment bizarre...il est vraiment bizarre pour un vampire, ça c'est sûr...je me penche un peu sur la table.

- Qu'est-ce que quelqu'un comme vous fait ici à une heure pareille?

Quelqu'un comme moi... Ah! Un vampire il veut dire! C'est donc ça qui le turlupine depuis tout à l'heure! C'est vrai qu'il est rare pour les humains de voir quelques uns d'entre nous lorsque le soleil est encore levé, ça a dû le surprendre...
 
 Je plisse les yeux en souriant et lui répond:
 
"Vous parlez du fait que je suis un vampire et qu'il fait encore jour? C'est vrai qu'il est un peu tôt mais je travaille dans le quartier et comme vous avez dû le comprendre j'adore ce Café donc j'aime arriver un peu en avance pour pouvoir prendre mon précieux Sweet & Spicy avant de partir au turbin! Et, qui sait, il arrive aussi de faire des rencontres sympathiques dans ce genre de lieu!" J'incline la tête sur le côté sans cesser ni de sourire, ni de le regarder.

J'hausse les épaules. Il est agaçant. Mais tout le monde nous fixe à présent. Je dois faire bonne figure. Je souris un peu en posant mon menton dans ma main, et mon coude sur la table.

- Tu parles beaucoup.

 

Je hausse de nouveau les épaules. Il parle comme s'il était civilisé...que sait-il de moi? Ces tarés se racontent peut-être leurs crimes entre eux? Ça doit bien les faire rire, un couple tué, un enfant abandonné...

- Le mieux, oui...en quoi est-ce mieux de venir ennuyer un inconnu avec tout votre blabla?

J'avale une gorgée de mon thé et me redresse.

" je ne pensais pas vous ennuyer, seulement sympathiser. Je vous prie de m'excuser si ce fut le cas."

J'attend quelques secondes avant d'ajouter:

"Et il me semble cependant, si je peux me permettre, que c'est vous qui avez relancé la conversation."

Je grogne un peu et me redresse à mon tour. Ce n'est pas une saleté de vampire qui va me faire la leçon!

- C'est bien les vampires...il se passe toujours des choses, mais ce n'est jamais de votre faute!

J'écarquille les yeux, interloqué.

"C'est donc ça qui vous posait problème! Et moi qui commençait à remettre en question mon style capillo-vestimentaire! "

Reprenant ma contenance, mon large sourire retrouve sa place initiale.

"Vous avez sacrément l'air de vous y connaître en vampire!"

Je fronce les sourcils. Mais il est complètement abruti ou comment ça se passe?

- Non. Je ne m'intéresse pas du tout aux vampires. Moins j'en vois, mieux je me porte...

"Ah! Autant pour moi! Comme vous vous permettiez des généralités, je vous ai pris pour un expert en la matière..."

Bon, je me suis peut être montré un peu trop agressif, mais j'ai du mal avec le principe qui consiste à juger sans savoir...
Je prend un nouveau biscuit que je trempe dans mon thé avant de l'enfourner dans ma bouche.

"Non. Pardon. Je vous prie de m'excuser pour le ton que je viens d'employer. Ce n'était pas correct. Pour ma part, je n'ai rien contre les humains et ça me fait toujours plaisir d'avoir l'occasion de parler avec vous. Mais pourquoi parler de ce qui nous oppose plutôt que de ce qui nous rapproche? Tenez, vous, vous faites quoi dans la vie? "

Je le regarde encore. Il ne comprends pas qu'il est un indésirable ici? Je soupire profondément et attrape mon café. Peu importe. Je n'ai aucune envie de m'amuser avec un vampire.

- Je suis assistant social. Pour humains seulement.

"Assistant social? C'est un beau métier. Du coup vous devez être particulièrement sensible à la misère des autres et aimer le relationnel. Je travaille moi aussi dans le relationnel, mais davantage dans un rapport médecin-patients: je suis infirmier au don du sang. Pour les humains ET les vampires."

Bon, c'est pas totalement vrai dans la mesure où il est quand même très rare que je m'occupe d'humains. Mais vu que ça arrive quand même une fois de temps en temps, je suppose que c'est pas totalement faux non plus...

"Je respecte beaucoup ce que vous faites. Vous devez voir des choses pas très drôles tous les jours. Moi je serais trop sensible pour faire ça..."

- Oui. J'aime mon métier, justement parce que j'aide à sortir les humains de leurs problèmes les plus graves.

Je souris un peu. C'est vrai. J'adore mon métier. En parler me rend heureux, le pratiquer me rend heureux...mais non. Je parle à un vampire. Il ne doit pas comprendre.

- Ça doit être dur pour vous aussi...vous retenir devant tout ce sang...

"Bof, tout est une question d'habitude. Je travaille dans ce centre depuis son ouverture donc j'ai pris le pli depuis un moment. C'est sur qu'au début, quand on a un petit creux, on est tenté de chiper une pochette ni vu ni connu. Mais j'imagine que c'est la même chose quand on travaille dans une boulangerie."

Un petit rire m'échappe tandis que je m'imagine les poches pleines de croissants au beurre.

"Je pense que le self-control n'est pas en option quand on travaille auprès du public, plus encore dans le domaine médical. D'ailleurs, ça ne devrait jamais être en option pour qui que ce soit..."

Je le toise. Méchamment. J'en ai conscience. Mais quel monstre en même temps!

- Vous êtes vraiment des animaux...

Et moi qui trouvait qu'on commençaient à bien s'entendre! Que voulait il que je lui dise? Que le sang me dégoûte? Que je hais les vampire et que la nuit je rêve d'être un humains? Très peu pour moi! Mais son regard ne trompe pas, il est clair que je l'ai choqué d'une façon ou d'une autre et va savoir pourquoi, ça me culpabilise...

"J'espère que vous me vouvoyer car je n'ai parlé qu'en mon nom et je n'apprécie guère qu'on accuse les autres de mes actions! D'ailleurs, je ne vois pas bien de quelles actions il pourrait s'agir puisque je n'ai jamais rien chipé..."

"Et puis c'est pas banal votre manie de toujours être dans le jugement, tel un être omniscient. Vous croyez que les humains sont d'irréprochables petites victimes soumises à la terrible tyrannie vampirique? Si c'est le cas permettez moi de vous dire que vous avez tort de les sous-estimer ainsi..."

Je hausse les épaules. Il m'agace. Comme ces foutues associations anti-vampirophobie...quelle bande d'abrutis. Ils ne voient pas qu'on est seulement des steaks à leurs yeux? Ces monstres ignobles nous sauteront dessus dès que l'occasion se présentera...

- Je vois des humains tous les jours. Tous les jours je tente de résoudre leurs problèmes. Et tous les jours je me rends un peu plus compte que les humains sont dotés de sentiments tels que la culpabilité, l'envie de bien faire...alors que vous, vous ne cherchez rien d'autre que la destruction. Vous pensez mériter plus la Terre que nous parce que vous avez un sang différent et que vous vivez plusieurs milliers d'années. Mais vous ne construisez rien. Vous n'êtes pas faits pour rester sur Terre.

L'un de mes sourcils se baisse tandis que l'autre se lève, résultant en une expression d'intense surprise. Il est sérieux là? Mais genre sérieusement sérieux? Parce que là,  ça touche à la science fiction! Et bon, j'ai beau être sympa,  faut pas non plus pousser mémé dans les orties.

Je fini mon gobelet dont le contenu commençait à refroidir, et lui affiche mon plus beau sourire type colgate avant de lui répondre:

"Étonnant.  Miraculeux même.  Le nombre de contradictions dans votre discours est tout bonnement incroyable. Alors d'abord vous n'y connaissez rien en vampire et ça ne vous intéresse pas.  Puis soudainement vous êtes un professeur en socio-philosophie spécialisé dans la rhétorique du sentiment humain chez les vampires! C'est fascinant comme votre discours évolue en fonction de vos sentiments. Quand je dis que le self-control ne devrait être en option pour personne, j'inclue vampires ET humains. Et votre façon de vous comporter me conforte dans ma position."

Je lève les yeux au ciel, soupire et reprend:

"Et qu'est ce que c'est que ces histoires de "destruction"et de "vouloir la Terre"? Pardonnez-moi la tournure, mais il faudrait songer à vous réveiller. De ma vie je n'ai jamais entendu ineptie pareilles et j'ai pourtant eu une très longue vie: personne n'a de telles visées colonialistes, on est pas dans DBZ! Enfin,  c'est ce que je pensais jusqu'à ce que je vous rencontre."
 
Je veux m'arrêter là mais il y a encore une chose qui me travaille dans son pamphlet anti-vampire.
 
"Et -désolé d'insister,  hein- mais nous "ne construisons rien"? Vous êtes du genre à être du côté des européens quand on parle de la colonisation de l'Afrique je suppose parce que ce fut ce raisonnement qui leur permis de juger les locaux comme des sous-hommes et de les réduire en esclavage. C'est un mode de penser colonialiste basique à la fois stupide et dangereux! D'ailleurs, cet exemple montre aussi que les humains sont parfaitement capables de se malmener entre eux sans le concours des vampires...."