C'est tout sauf un rencart [Feat Léopold]

Je commence très sérieusement à me sentir paniqué, là, coincé devant ce cinéma de malheur. J'avais glissé l'idée, à la base, parce que je pensais au fait que dans le noir il ne me verrait pas paniquer, dire des bêtises, rougir comme une imbécile ou simplement exister, j'avais un peu oublié TOUTE la partie qu'il y avait entre l'appel et la salle de cinéma : l'attente, la préparation, re-l'attente, la queue... Seigneur. Je vais mourir. Je secoue un peu la tête. J'ai laissé tombé l'idée de me coiffer avant même d'oublier celle d'avoir l'air intelligent, ou d'avoir l'air habitué à ce genre de sortie. Ca va se voir, que je n'ai jamais mis les pieds dans un cinéma ? Sûrement oui... Je soupir en ajustant un peu le col de ma chemise. Ce genre de vêtements marquent beaucoup ma taille, mais je n'ai pas grand chose d'autre à me mettre pour avoir l'air "détendu".

 

Je sursaute un peu à l'entente de la voix salvatrice et relève la tête vers lui. Je rougis déjà en lui offrant un signe de la main timide, les regardes s'orientant sans grande surprise sur nom. Le centre commercial est bondé, des vampires bien sûr qui cherchent à se distraire en attendant que les humains reviennent investir les lieux. J'avance prudemment jusqu'à lui et lui présente un léger sourire. Cette casquette lui va bien. Cette tenue aussi. J'ai l'impression d'en faire beaucoup trop alors que je porte juste une chemise, un jean trop long et des baskets.

Je lui répond par un sourire que je veux rassurant:il semble terrorisé par la situation alors même que nous sommes là pour nous amuser. D'un léger mouvement de tête, je lui indique les bornes automatiques qui sont bien moins prises d'assaut que les caisses. Passant mon sac à dos côté torse pour mieux fouillrr dedans, je m'adresse à Merry:

" le film te convient toujours? Si c'est le cas, je prend pour nous deux."

- Oui ça me va. Mais je peux payer ma place.

Je le fixe un instant.

- T'es médecin et t'as dix fois mon âge... Oui, c'est logique que tu payes : tu as plus d'argent. Du coup, ça me va, j'ai pas de scrupule.

Le stresse de cet amas de monde fait de moi un jeune homme que je ne suis habituellement pas. Je secoue un peu la tête, faisant mine de vouloir écarter une mèche qui me barre le front plutôt que d'essayer de me reprendre.

- Désolé... On y va ?

 
 
 
 

Je glousse plus que je ris en lui donnant un léger coup dans le bras, ma main se posant sur celui-ci. Je la retire immédiatement, un léger rouge aux joues.

- Vous devriez faire gaffe avec vos références quand même, avec celle-là ça peut vite partir loin...

Je souris un peu en le regardant faire, fixant avec effort l'écran plutôt que sa main.

"Bof... En principe ça colle avec tout..." Répons-je, sans détacher mes yeux de l'écran qui me demande mon code secret. En une minute, j'obtiens les deux tickets. Je me retourne vers Merry et lui glisse un des tickets dans la main.
 
"Si le jeune homme entretenu est prêt, on peut y aller. Le film ne commence que dans 10 minutes mais si on rentre tout de suite on pourra choisir nos places..."
 
C'est sur que ça serait moins fun de ne pas être à côté, surtout pour moi qui l'ai déjà vu...

- D'accord !

Je lui souris et me dirige vers l'homme qui, dans quelques instants, prendra mon ticket éphémère pour le déchirer. Pauvre bout de papier voué à la mort avant même d'avoir connu autre chose que l'imprimante... Dire qu'un arbre est mort pour qu'on puisse le couvrir d'encre toxique puis le déchirer et le jeter. C'est assez ridicule. Avec la technologie qu'on a actuellement, ça coûterait sans doute moins cher de se passer de ticket physique. Je le tends pour qu'il atteigne la mort puis passe l'homme qui ressemble à une armoire à glace, le coeur étrangement lourd.

 

- Du... pop-corn ? J'ai le droit ?

Je le fixe en prenant brusquement conscience du ridicule de ma question. Evidemment que j'ai le droit, je suis un homme adulte ! Mais évidemment, il y a toujours cette pression incroyable, cet "avant" qui m'obsède. Dans cet "avant", je n'avais pas le droit, parce que j'étais sous-alimenté et que ça gonfle dans l'estomac, avant j'aurais pu en mourir. Mais maintenant... maintenant, ça va.

- C'est pas ce que je voulais dire, pas du tout. Je n'ai aucunement besoin d'une autorisation pour manger des popcorn donc oui, oui j'en veux.

Je hoche la tête, convaincu par mon propre discours. Merry Président ! En même temps, je n'ai jamais goûté de popcorn, ça se trouve c'est répugnant. Eh bien, j'en mangerais quand même. Tant pis.

"J'en veux"? Et bien dit donc, le voilà qui devient bien impératif... Cependant, ce comportement enfantin à quelque chose de touchant et je ne peux m’empêcher de hocher la tête. Je me place dans la queue d'une dizaine de personne menant au comptoir de friandise et lui intime d'aller dans la salle pour nous garder deux places. Oh non! J'allais oublier! Juste avant qu'il ne parte, je l'attrape par le bras et lui dit:
 
"Le popcorn, sucré ou salé?"

Mes yeux s'arrondissent alors que je me retourne vers lui, abasourdis. Est-ce que c'est une vraie question ? Je veux dire... Ce choix existe réellement ? Mais... Mais c'est de la torture ! Les commerciaux ne pensent jamais aux enfants élevés dans des caves quand ils créent leurs produits !

- Heu... Je... Comme tu préfères. Je m'en fiche.

Bravo, belle réponse. Avec ça et ton expression particulièrement ridicule il ne va pas du tout se douter que tu bluff !