Les jeunes c'est l'avenir (Feat Merry)

2h du mat' devant un lycée, y a de quoi passer pour un pervers notoire... Me dis-je en enfonçant mes mains profondément dans les poches de mon pantalon de costard.


Dire que j'ai fait un effort vestimentaire pour des gamins qui ne s'en rendront même pas compte! Bon, j'ai toujours mon bonnet pourri mais il fait partie de moi... Et puis zut, un effort est un effort! Enfin, la sensibilisation c'est important. C'est vrai que malgré l'obligation de donner son sang, beaucoup de personnes trouvent encore des excuses pour ne pas le faire, plus encore les vampires que les humains car eux ne voient pas ce que ça peut leur apporter... Je jette un coup d’œil à l'heure sur mon portable quand j'entend la cloche sonner à l'intérieur du bâtiment, le prof du cours pendant le quel je vais intervenir ne devrait pas tarder à venir me chercher maintenant.
J'inspire puis expire puissamment lorsque j'aperçoit une frêle silhouette pressée au travers de la vitre de la porte d'entrée.

Je cours à moitié dans les couloirs, à la limite de l'affolement. Comme d'habitude, j'ai dit que je terminerais le cours plus tôt pour des raisons professionnelles et comme d'habitude je l'ai terminé sur le gong. Il faut vraiment que j'apprenne à me mettre d'accord avec moi-même, autrement je ne donne pas cher de ma peau. Je regarde rapidement mon portable pour avoir l'heure. 2h. Avec des cours qui finissent à 1h55, je me débrouille pas si mal ! Je saute les dernières marches et me précipite dehors, manquant de rejoindre le sol plutôt que la cour. Une fois le portail en vue, je m'arrête net et reprend d'une démarche assurée, qui ne l'est pas du tout, et qui contraste à merveille avec mes tremblements. Je déteste les médecins, vraiment, une sorte de souvenir amer.

- Excusez-moi ? Docteur Hugo ? Je suis un peu en retard, soulignais-je avec un sourire désolé avant de lui tendre ma main un peu trop osseuse. Je suis le professeur d'Anglais, monsieur Gallagher. Merry.

"Oui, c'est bien moi" Répond-je en secouant vigoureusement la petite main qui m'est tendue "Mais vous pouvez m'appeler "Léopold"". Je ponctue ce dernier point d'un large sourire que je veux amical.

Le pauvre homme qui me fait face a l'air essoufflé malgré ses efforts pour le cacher. Mais je ne dois pas être très gracieux moi-même cela dit, je sens mes lèvres se gercer au moindre passage de ce vent glacé de début mars...

Ne sachant pas bien par où commencer, je demande:
"De combien de temps disposons nous avant le début du cours?"

- Une dizaine de minutes, ils ont une pause. Vous me suivez ?

Je lui offre un sourire et retourne vers le bâtiment en regardant vers les fenêtres pour m'assurer, presque trop mécaniquement, qu'aucun élève ne traîne encore dans les couloirs quand leur place est parmi ceux que nous esquivons pour arriver jusqu'à la porte.

- Vous... N'avez pas eu trop de mal à trouver ?

Question idiote, mais question qui a l'avantage de couper à ce silence un peu gênant.

Tout en marchant à ses côtés, j'entame la discussion en me raccrochant à la perche qu'il me tend:

"Nan, ne vous inquiétez pas pour moi! J'ai toujours eu un très bon sens de l'orientation! Faut dire que quand j'étais plus jeune, il ni avait pas de GPS et tous ces gadgets actuels pour vous aider genre... les ampoules électriques, tout ça tout ça... Euh... De quoi on parlait déjà?"

Léopold, espèce d'idiot! Toujours à blablater!

Je ris un peu, d'un rire tranquille, presque un gloussement. J'aime bien les gens qui parlent beaucoup, ils me permettent de me taire beaucoup, et ça c'est un avantage non négligeable au vu du nombre de stupidité que je peux sortir dès qu'on me laisse en caser une.

- Non aucun problème, j'aime bien quand vous parlez vite comme si j'allais vous tuer avant la fin de votre phrase;

De ce type là. Une information, une précision, qui ne sert absolument à rien et qui est pourtant là, idiote, posée en beau milieu de notre conversation qui n'avait rien d'anormal jusque là.

- Pas que... Je sois sur le point de vous tuer, hein... C'est juste une façon de parler. Comme si je disais que le ciel est infini, tous le monde sait qu'il ne l'est pas, à moins d'être totalement stupide, puisque c'est juste une image de ce qui englobe la terre et... Vous le savez n'est-ce pas ? vous n'êtes pas totalement stupide ? Vous êtes médecin. Bon, c'est pas Astronome, mais quand même, c'est de la culture générale à ce stade, comme dire pourquoi il pleut. pas besoin d'être météorologue, vous voyez ce que je veux dire ?

Faîtes moi taire. Vite. Maintenant.

Une seule question: Comment en sommes nous arrivé là?! Ce type est prof, vraiment? Mais avec tant de digressions comment fait-il pour terminer son programme??? Enfin, ce n'est peut-être pas la première question que je devrais me poser...

Je remonte légèrement mon bonnet afin de plonger mon regard dans le sien. Au fond de ses pupilles rougeoyantes je ne trouve qu'une chose, une très grande détresse. Je décide de répondre à son appel au secours en prenant le taureau par les cornes:

" Vous n'êtes pas très à l'aise en société, je me trompe?"

Je le fixe, ahuris. Non mais il est sérieux ? Si il veut des evidences, je peux très bien lui dire que son bonnet va pas avec son costard, que son costard va pas avec sa tronche, que sa tronche va pas avec ses cheveux et que ses cheveux.... Bon sang mais comment ils pourraient aller avec quoi que ce soit ?! Ils vont juste pas avec le monde, c'est quoi cette couleur, et puis c'est quoi cet état ! Si il voulait de la paille c'était pas la peine de payer pour des teintures aggressives, suffisait d'aller voir un fermier !

"Ah bah vous comme oeil de Lynx, pardon !"

J'ouvre la porte d'un coup d'épaule après l'avoir dépassé de quelques pas, espérant ainsi sauver les apparences, sauver ma vie, sauver mon honneur, bref tout sauf m'étaler de tout mon long à cause de la marche. Que j'avais oublié. Pour ma défense, c'est ma première année...

Réplique empruntée:

Je me retiens de pousser un cri en me sentant quitter le sol et me contente d'un petit soupir de soulagement en le retrouvrant. J'essaye tant bien que mal de recoiffer une tignasse qui ne vaut pas mieux que la sienne en terme de coupe et lui offre un sourire... disons timide, pour ne pas dire dépité.

- Merci... Désolé, j'ai été un peu sec... J'aime pas trop qu'on souligne ce genre de chose, comme vous devez pas aimer qu'on souligne votre goût douteux pour la mode.

Je me rends immédiatement compte que j'ai de nouveau dit une bêtise et détourne les yeux, mal à l'aise.

- Pas qu'il soit vraiment douteux, juste anormal. Pas commun. Etrange. I... Inattendu ! Inattendu, ça va non ? C'est pas péjoratif ? Remarque avec ce que j'ai dit avant je peux pas faire pire... C'est juste que le costume, et le bonnet... enfin... Je sais pas ça va pas ensemble. Couleur et pas de couleur. C'est assez simple comme raisonnement, non ? Enfin j'imagine que vous avez une raison de le porter. D'ailleurs, vos cheveux étaient de quelle couleur à l'origine ? D'accord, là je vais me taire, genre définitivement ! Vous me suivez ?

Un sourire crispé et je repars d'un pas vif, rapide, et complètement perdu. La salle de classe. J'ai cours où déjà ? Pour faire comme si je le savais parfaitement, je regarde les portes d'un oeil distrait, cherchant le cours d'anglais dans ceux de cette plage horaire.

- Ah, c'est là !

Et j'ai l'air surpris. oui. Alors que j'essayais d'avoir l'air de savoir ce que je fais. Je soupir, me maudissant encore une fois puis j'ouvre la porte.

- Entrez... Et promettez moi d'oublier tout ce que j'ai dit, c'était vraiment pas un bon départ.

Je suis tellement interloqué que je me contente de hocher la tête, un sourire poli figé sur mon visage.

De manière presque inconsciente, je porte ma main à mon bonnet et tente de cacher un peu plus mes cheveux sous celui-ci. "goût douteux pour la mode"? Aucun argument ne pouvait contrer ça.

Je cligne rapidement des yeux trois ou quatre fois pour sortir de ma torpeur et suis le professeur qui s'enfonce dans la salle.

Suite :
http://legenedunephamir-rpf.forumrpg.org/t35-les-jeunes-c-est-l-avenir-2-feat-merry