Les jeunes c'est l'avenir 3 (feat Léopold)

Les parties précédentes:

Je passe par un nombre de sentiment assez exceptionnel pour une si courte durée. C'est dommage. J'aimais beaucoup sa tirade... Je lui offre un sourire gêné.

- Non, je ne connais pas...

J'ouvre la porte et me rend rapidement compte que j'ai fait une erreur. Ils sont tous en cours, la salle est complètement vide. Après mon allusion débile et involontaire de tout à l'heure, je pouvais pas faire pire... Oh et puis zut, c'est son problème si il s'attend à quoi que ce soit, après ! Même si c'est justement à cause de ce genre de remarque que je me retrouve parfois dans des situations inattendues. Enfin pour moi, puisque généralement j'ai le droit à des "je l'ai vu venir à des kilomètres !" de la part de mes collègues.

- Mettez-vous à l'aise.

Non mais, t'as raison, continue, ce serait trop bête de se priver d'une telle performance.

"elle est..."
 
Je me fige. J'avoue ne pas m'être attendu à grand chose quand il a parlé d'une salle des profs "confortable", mais là! Un évier et un frigo côtoient un micro-onde et une cafetière déposés sur le plan de travail d'un meuble de cuisine, à côté d'une étagère à multiples casiers à cadenas. C'est à peu près le seul décore de la pièce. Enfin... Le top du glamour, c'est surement le porte manteau métallique dans lequel à tapé la porte quand il l'a ouverte! Et il y a aussi une grande table de chaque côté de la pièce, entourées de chaises...

"...pliantes."

J'éclate de rire.

Je hausse les sourcils après un léger sursaut de surprise. C'est... un psychopathe, c'est ça ? Il a survécu plus de 190 ans en tuant ceux qui lui faisaient de l'ombre ? Je secoue un peu la tête, essayant de chasser tout ça de mes pensées. Peut-être qu'il se moque parce que j'ai dit que c'était confortable...? C'est vrai que c'est un peu austère pour une personne normale, mais pour moi qui préfère le sol aux lits ou aux fauteuils...

Je lutte pour retrouver mon souffle et pose les yeux sur son visage à l'expression confuse. Sans pouvoir me départir d'un sourire résiduel qui pousse presque hors de mes paupières les larmes de rire qui y trône. Je sens que mon visage est tout rouge sans même pouvoir le voir. J'attend encore une seconde puis m'explique:
 
"La chaise, elle est pliante! Cette blague est vraiment nulle mais je ne crois pas qu'elle ait jamais été aussi à propos!"

Je le fixe encore quelques secondes puis je tourne la tête vers la table. Ah. Oui. Des chaises pliantes. J'incline très légèrement la tête puis je le regarde de nouveau.

- Ah... Oui, je vois... C'est... "Amusant".

Je lui souris pour le rassurer, et essayer de ne pas trop plomber l'ambiance. Je n'ai pas beaucoup d'humour je crois, mais c'est principalement parce que je ne comprends rien et que je ne suis pas assez à l'aise pour me laisser aller.

Ayant plus ou moins retrouvé mon calme, je m'avance et prend place sur l'une des chaises ce qui a pour effet immédiat de tirer mes lèvres sur la moitié de mon visage. Je me contrôle toutefois assez pour ne pas repartir en concert de gloussements.
 
Lui est resté debout.
 
"Vous voulez de l'aide?" Il est plutôt étrange d'après ce que j'ai pu voir, il faudrait peut-être préciser ma pensée, qu'il ne me prenne pas pour un psychopathe." ... Pour le café, hein."

- Non, non, je devrais m'en sortir...

Je lui souris et m'approche des casiers, je serre les devoirs d'une main, cherchant ma clé de l'autre. Je la trouve, les feuilles tombent. Je reste parfaitement immobile, la clé serrée entre mon pouce et mon index, en fixant mon travail éparpillé au sol. Bon... Fallait bien que ça arrive... Je lâche un soupir et commence par déverrouiller le casier avant de les ramasser et de les y fourrer dans chercher à les remettre en ordre. Elles seront froissées, mais pour l'état dans lequel ils me les rendent de toute façon ! Cela fait, je referme le casier et me dirige dans le coin cuisine, me retrouvant face à un élément qui m'était encore inconnu : la cafetière. Beaucoup de boutons.

- Heum... tout compte fait... Je risque de faire sauter l'école si je touche à ça...

Voyant la détresse du professeur dont la maladresse ne semble pas avoir de limites, je décide tout de même de l'aider. J'arrive à la cafetière une demi-seconde après lui, juste à temps pour l'entendre murmurer quelque chose à propos de faire sauter l'école. Ah, moi et mes oreilles tordues, ça va finir par me jouer des tours!
 
"On a la même dans la salle de repos, laissez-moi m'en occuper" Dis-je en ajoutant un clin d’œil complice.
 
Avant même qu'il ait pu me répondre je place deux capsules qui erraient sur le plan de travail à l’intérieur de la machine et démarre le monstre qui fait un boucan de tous les diables. Si j'avais été plus malin, je me serait surement servi de cette excuse pour boire autre chose que du café, mais bon...

Je lui souris maladroitement et m'appuie contre le plan de travail après avoir sorti deux tasses d'un placard, assortis de cuillères.

- Désolé, j'en bois pas habituellement...

Je commence à tordre légèrement mes doigts pour essayer de me concentrer sur autre chose que les débilités que je pourrais sortir.

Après avoir pris une gorgée de l'affreux liquide amère dont j'avais déjà commencé à remplir ma tasse au moment où il s'est adressé à moi, je grimace étrangement. Il n'en boit pas habituellement, cela explique qu'il ne sache pas utiliser la machine... Mais. Mais alors... Mais pourquoi est-ce que je suis en train de m'empoisonner avec cette saloperie, moi?!
Ah oui, c'est vrai, pour ne pas perdre la face...
 
Ne sachant pas bien comment poursuivre cet échange, je décide de retourner à ce dont nous parlions précédemment:
 
"Et vous, pourquoi l'enseignement? Vous m'avez l'air très jeune même si avec nous, les apparences peuvent se révéler trompeuses..."

Je rougis très légèrement, ce qui est complètement idiot : il n'a rien dit de bizarre. Je prends ma tasse et m'y noie quelques secondes pour me reprendre avant de lui répondre.

- Je... J'ai passé ce dont je me rappelle de ma vie à être formé, et à apprendre... Et je ne me sentais heureux qu'à ce moment là... Quand j'apprenais de nouvelles choses... J'aimerais pouvoir rendre des élèves heureux de cette façon.

Je lui souris faiblement, un peu intimidé. Là, ça n'a rien à voir avec sa jolie petite tirade sur la beauté de son métier.

"Rendre les gens heureux... C'est bien. C'est beau. C'est même une très bonne raison de faire un travail si ce n'est la meilleure." Dis-je tout naturellement, mais en éludant volontairement la partie sur ce dont il se rappelle: cela semble tenir de la vie privée et je n'ai pas à m'en mêler. 
 
 "Après, il faut faire attention à ne pas s'oublier et à s'occuper aussi de son propre bonheur. Mais, je suppose que vous en êtes conscient."
 
Je répond à son sourire en montrant toutes mes dents, comme à mon habitude.

Je le regarde et lui rend au mieux son sourire, sans pouvoir en faire autant que lui. Je souris tous le temps, pourtant... Mais je ne peux pas égaler ça. Je finis par me redresser un peu, lui souriant encore au mieux.

- On va s'asseoir ? Ce sera mieux pour parler !

"Avec plaisir!"
 
Je le suis jusqu'à la table. Bien que je ne sois pas d'un naturel parano, je déteste me retrouver dos à une porte. Cependant, je décide de faire un effort et fais le tour pour m'installer face à lui. Les deux mains sur la tasse pour me chauffer les paumes -c'est bien le seul intérêt du café...- j'entreprend de poursuivre le rythme que nous avons établi où je débute systématiquement la conversation. Pas que ce soit spécialement mon fort mais ça semble le soulager...


"Il ne dois pas être loin de 3h30... vous reprenez les cours bientôt? A moins que vous ayez du travail administratif à faire ou truc dans le genre..."

- Non, non, j'ai fini ma journée. Je n'ai plus qu'à corriger leur devoir, ça ne devrait pas être très long de ce que j'en ai vu...

Je lui souris en posant la tasse devant moi, incapable de la délester plus de son contenu. Je le regarde un moment, peut-être un peu trop longtemps.

- Et vous ? Vous ne travaillez plus ?

"On m'a bloqué la journée pour les interventions scolaires et c'était le dernier lycée que je devais visiter donc, à dire vrai, ça fait déjà un p'tit moment que j'ai fini."
 
Je finis ma tasse d'une traite en faisant abstraction du goût puis baisse les yeux vers la sienne pour me rendre compte qu'elle est encore à moitié pleine. Je ne peux m'empêcher de lui demander:
 
"Dites... Ça risque de vous sembler étrange comme question mais... Est-ce que vous aimez le café?"

Je le fixe un instant puis je me mords la lèvre, pour éviter de rire. Rien qu'à son expression, je commence à comprendre que l'on est tous les deux de parfaits idiots sur ce coup-ci.

- Je déteste ça, à dire vrai...

Cette fois, je ris un peu, sans me départir d'un rugissement coincé entre la honte et la gêne. Je repousse légèrement ma tasse du bout des doigts pour accompagner mon propos.

- Vous aussi, n'est-ce pas ?

En guise de réponse je m'empare de la tasse que je vide dans l'évier en déclarant d'un air solennel:
 
"Retourne dans l'Enfer qui t'as vu naître, liquide démoniaque!"
 
J'essaie de me faire le plus théâtral possible car j'ai remarqué qu'avec M.Gallagher, faire le pitre est le meilleur moyen de détendre l'atmosphère. Le visage orné d'un sourire en coin je tourne la tête vers lui, cherchant à voir si il est satisfait de ma performance.

Je le regarde avec un rire au bout des lèvres, qui n'éclate pas mais forme sur ma bouche un sourire de ravissement. Il est un peu étrange, mais il est profondément gentil et c'est sans doute ce qui est, et ce qui doit rester, le plus important. Il est peut-être un peu idiot aussi, mais pas de la façon que l'on entend habituellement. Plutôt parce qu'il cherche d'une manière presque désespéré à satisfaire tous le monde. Ce que je comprends parfaitement, et c'est vraiment dommage que l'on soit si identique sur ce point. Cela dit, il s'en sort beaucoup mieux que moi à ce niveau !

- C'est bien mieux comme ça.

Je l'ai vu sur son visage. Je rire était là. Il n'est pas sorti, mais il était bel et bien là. Ravi d'une réaction qui surpassa mes attentes, je regagne ma place en sautillant joyeusement. 
 
Alors que je m'apprête à repartir de plus belle sur toutes les horreurs que m'inspire la mixture noirâtre, mes yeux passent sur la montre à son poignet et je m'aperçois qu'il est plus de 4h. L'établissement fermant ses portes à 4h30 conformément au couvre-feu en vigueur, il ne nous reste que peu de temps...
 
Mon sourire retombe légèrement sans pour autant disparaître mais j'embraye directement pour éviter qu'il ne le remarque:
 
"Et vous, vous avez fait votre don ce mois-ci? C'est pas tout ça de faire la morale aux jeunes mais il faut aussi s'y tenir soi-même!"

Je hausse très légèrement les sourcils, un peu surpris par se changement de conversation brutal, mais je souris et saute immédiatement sur l'occasion. J'aime énormément parler avec lui, j'ai l'impression de pouvoir dire n'importe quoi sans que ça ait une réelle incidence sur le reste.

- Je voudrais bien vous montrer les marques mais j'en ai pas, vu que ça guérit trop vite... Mais je donne chaque fois que j'en ai le droit.

Légèrement déçu par la réponse pour une raison très égoïste, je ne me dépars pas de mon attitude jovial et dis, dans un élan:
 
" La prochaine fois, n'hésitez pas à me demander! Je passe toutes mes journées sur place, même quand je ne suis pas sensé y être! Il vous suffira de demander "Léo", tout le monde me connait sur place!"
 
Je réalise soudain l'incorrection de mon comporte.
 
"Enfin, si vous en avez envie bien sur. Je veux dire, l'important c'est de donner. En plus, il faut le faire avec quelqu'un avec qui on est à l'aise donc si vous préférer quelqu'un d'autre, c'est pas grave du tout! Enfin..."
 
Je me mord la lèvre inférieure pour m’empêcher de continuer à pédaler dans la semoule et me contente de chercher une sortie de secours dans son expression.

J'incline très légèrement la tête en le regardant, d'un regard plus doux que celui que j'arbore habituellement.

- Vous savez, vous n'êtes pas obliger d'être correct, ou de faire en sorte de correspondre à ce que je veux... Moi j'aime beaucoup la spontanéité.

Je lui souris un peu, gêné. Ce n'est pas vraiment dans mon habitude de dire ce genre de chose, mais je trouve ça étrangement nécessaire pour l'instant.

Je suis désarçonné par cette réponse pour le moins surprenant et cela se traduit par un léger mouvement de recule de ma part que je regrette immédiatement. Cette discussion devient beaucoup trop sérieuse et je n'aime pas ça du tout!
 
Je réfléchis pendant un quart de seconde et... Et puis zut: aux grands maux les grands remèdes! J'attrape mon bonnet par son sommet et le retire complètement, mettant en lumière la chose (parce qu'on ne peut décemment pas appeler ça une chevelure) qui se cache en dessous.
 
Bien entendu, il ne me connait pas et ne peut par conséquent pas savoir comme il est rare que je dévoile ainsi ce qui se trouve dans cette boite de Pandore brune et verte...
 
"Vous aimez la spontanéité? Alors que pensez-vous de mon terrible secret, pour tout ce qu'il a de douteux, d'anormal, de pas commun, d'étrange, ou tout simplement d'inattendu?"
 
C'est bien lui qui, plutôt, voulait savoir pourquoi je portais ce bonnet... 
 
Pour éviter que la tournure de ma phrase ne paraisse trop agressive, je accompagne d'un petit rire amusé en attendant avec impatience de voir sa réaction.

Je le fixe, sans comprendre ce qu'il attend de moi, ni pourquoi il a enlever le bonnet qu'il portait depuis le début de notre conversation. C'est quoi ? Un signe de provocation ? Comme quand les hommes se gifflaient avec un gant blanc pour se provoquer en duel ? Je hausse un sourcil, soucieux.

- Ouais. Vous avez des cheveux de merde. Excusez moi mais j'ai du mal à saisir le truc... Comme j'ai du mal avec la société, vous savez.