L'appel [Feat Léopold]

A peine rentré du zoo, évidemment, j'avais recopié le numéro avec, cependant, un problème. La transpiration et les transports en commun aidant, l'un des chiffres s'était estompé si bien qu'il était devenu illisible. Immédiatement, bien sûr, j'avais recopié les autres, mais il me manquait le dernier, et c'était sans doute le plus important. Devant mon post-it jaune sur lequel était listé les 10 possibilités, j'hésitais. J'aurais l'air idiot, à les appeler les uns après les autres... Alors j'avais fini par laisser ça de côté en me disant... Peut-être qu'une autre rencontre fortuite me permettrait de récupérer ce dernier chiffre. Mais il faudrait que je le lui demande et je savais déjà que c'était au dessus de mes forces.

Trois jours plus tard, je tente un cinquième numéro, commençant sérieusement à perdre espoir puisque j'ai un certain don pour me décourager en quelques minutes à peine. Un sixième numéro et encore une voix inconnue à laquelle je ne prends même pas le temps de répondre. Un septième, mon coeur palpite, j'ai le sentiment que ce coup-ci, c'est la bonne...

Un numéros inconnu? Étrange étant donné que j'ai pour habitude de toujours enregistrer les numéros dès qu'on me les dicte... 
Enfin, ce n'est pas une suffisamment bonne raison pour ne pas répondre, d'autant plus que la curiosité commence déjà à me ronger! Avachit sur l'imposante pile d'oreillers en tous genres qui peuplent mon lit, je fais rapidement glisser l'icone verte au travers de mon écran et plaque  l'appareil contre mon visage:
"Allo? Léopold Hugo, j'écoute?"

Je sursaute et me redresse immédiatement, le dos droit et ma main libre repliée sur mes genoux je reprend en contrôlant un bégaiement.

- J'ai cru que je trouverais jamais !

Je soupir un peu et baisse les yeux.

- Ce...Merry...

J'oublie des verbes, comme le parfait idiot que je suis.

Je m'accoude sur un traversin pour mieux m'adosser au dossier de mon lit. 
Je regarde le numéros que j'enregistre aussitôt tout en demandant ce que je sais déjà:
"Merry Gallagher? "

Puis je poursuis, sans vraiment lui laisser le temps de répondre:
"Vous avez obtenu le numéros à l'accueil? En tout cas je suis ravis de vous entendre, pendant un moment j'ai cru que vous m'aviez oublié!"

Je reste silencieux un moment, en me sentant complètement idiot. Pour l'écrire sur ma main à la base, je les avais appelé. En sortant du lycée, pour ne pas les avoir en face de moi en demandant. J'aurais... Juste eu à rappeler... au lieu de faire tous les numéros possibles. Je soupir en passant ma main dans mes cheveux.

- Non je... j'avais égaré votre numéro...

Je ne peux réprimer un gloussement:
"Hahaha! Ça serait donc ça, la maladresse légendaire dont tu m'as parlé?"

Je m'assoies sur le bord du lit pour m'emparer de mon bonnet et aller me balader dans l'appartement: Depuis l'apparition du portable, je ne sais plus téléphoner sans me déplacer. J'essaie cependant de me mouvoir le plus discrètement possible pour ne ma déranger mon colocataire, en train de lire en position fœtale sur le canapé du salon.

- Faut croire, oui...

Je soupir un peu et secoue la tête en passant doucement ma main dans mes cheveux pour venir jouer avec une mèche de cheveux rebelle. En pyjama, les jambes ramenés contre moi dans le fauteuil abîmé du salon, je regarde autour de moi pour trouver quelque chose où accroché mon attention.

- Tu... Voudrais bien qu'on...

Bon, il n'y a qu'un mot. Et puis ce n'est pas comme si il le draguait, c'était juste qu'il voulait le voir encore une fois, pour voir ce qu'il lui dirait. Le voir et lui dire plus de bêtises qu'il n'en avait jamais dit à personne.

- Se revoit...? Juste... Histoire qu'on se voit, pas pour essayer de te séduire ou quoi c'est juste... Pas que tu sois pas séduisant, c'est pas le sujet, mais j'aime bien parler avec toi alors ça pourrait être sympa qu'on se voit, histoire de dire que... Bah qu'on se voit. Ou qu'on se voit pas. C'est toi qui voit, moi je suis juste... Enfin on fera comme tu veux. Voilà. S'il-te-plait réponds, je sais plus quoi dire là je commence à paniquer...

Je veux me retenir. Sincèrement. Je sers mes lèvres de toutes mes forces mais je suis submerger et laisser s'échapper un rire tonitruant qui fait sursauter Alek. J'imagine que Merry, de l'autre côté des ondes, a dû avoir une réaction à peu près similaire, et cette pensée me fait rire de plus belle. Je lui répond tout en faisant de mon mieux pour contrôler mon volume sonore:

"Merry, tu es vraiment hilarant! Et je te reverrai avec grand plaisir. Je n'ai pas un emploi du temps très chargé donc je suis libre à peu près tous les jours à partir de 5h-5h30 ainsi que les weekends. Il y a une heure, un jour en particulier qui te convient? Qu'est-ce que tu aimerais faire?"

Je sens un rouge plein de honte revenir pigmenter mes pommettes. Je suis tellement, tellement ridicule, ou en tout cas je me sens tellement ridicule que je pourrais très bien m'enterrer là, maintenant. Je soupir et pose mon front entre mes genoux, tenant toujours mon portable.

- Je sais pas... On pourrait... Aller boire un chocolat chaud... Voir un film ? Y a un tas de trucs à faire, je suis sûr, mais... Enfin c'est toi qui voit, moi j'ai pas de préférence, je suis pas... Je sors pas généralement alors je connais pas trop.

Qu'est-ce que je pouvais porter ? Un jean ? Il m'a vu habiller comment jusque là... Pantalon-chemise... Faudrait que je change. Mais j'ai que ça. J'irais faire les magasins, pour le surprendre. Je suis quasiment sûr que les pantacourts m'iraient bien.

Je lève la tête et réfléchis quelques secondes. C'est moi qui vois... Un peu facile comme réponse... Enfin, je devrais pas être surpris. Depuis le temps, j'ai remarqué qu'il n'était pas vraiment du genre à prendre des initiatives pour le "groupe". Je replace le téléphone sur mon oreille en continuant à errer dans l'appartement:
"Uhm... Tu aimes les dessins animés? Je sais déjà que tu aimes les animaux donc si c'est le cas, on peut aller voir "Zootopie". Je suis déjà allé le voir avez mon coloc' mais c'était tellement génial que je meurs d'envie d'y retourner avant qu'il ne passe plus en salle!"

La première chose qui me vient à l'esprit, c'est qu'il a été au cinéma avec un autre, réflexion totalement idiote. Je secoue un peu la tête.

- D'accord. Oui, ça me va.

Avec un autre, dans une salle aussi sombre, côte à côte. Enfin, c'était un dessin animé quoi, pas une romance, alors au final on s'en moque. Et puis de manière générale c'est pas mes affaires donc : je m'en moque ! Voilà, problème réglé, on remballe.

Je tique légèrement: quelque chose dans sa voix a changé. Par ailleurs, il ne m'a pas  habitué à des réponses aussi succinctes et... sans accro. Enfin, après tout je ne suis pas psy ni profiler donc je ferai mieux de me contenter de sa réponse plutôt que de chercher midi à 14 heure!

"Super." Oups... Aller,on la refais et cette fois avec mon ton enjoué habituel! "Génial même!"

"Pour ce qui est des horaires, tu as des préférences?"

- Bah... pas spécialement. On fini à peu près à la même heure.

Je regarde le sol entre mes jambes, avec une légère moue. Mince alors... C'est quoi ce sentiment hyper désagréable ? J'espère que ça va vite partir, parce que là c'est vraiment, mais alors vraiment la merde. Je soupir un peu.

- Alors tu préfères quoi toi ?

"Demain, 6h15, ça te va? Si c'est le cas, je peux réserver les places en ligne. J'ai regardé les horaires en VOSTFR mais je suppose que ça ne vous posera pas de problème, monsieur le prof d'anglais? "

Face au miroir au dessus du lavabo, je vois un sourire se dessiner sur mes lèvres tandis que je prononce ces mots. Ah! Si taquiner Merry était un sport, je serai médaille d'or aux J.O.!

Je rougis doucement en faisant une légère moue.

- C'est pour toi que je m'inquiète, t'as peut-être pas le niveau pour un film pour enfant.

Je me mord la lèvre pour ne pas rire. Je suis peut-être assez fière de moi sur ce coup-là... C'est rare que je trouve quelque chose à lui répondre.

"Aie! J'ai été touché! Mais je connais le scénario donc ça devrait aller!"
Je marque une légère pause puis décide de préciser:
"Bon, je suis en train de te faire un clin d'oeil mais bien évidemment tu ne peux pas le voir puisqu'on est au téléphone. Mais sache-le."

Je reste silencieux une seconde puis j'éclate de rire, abandonnant ma position quasi-fœtale censé me protéger des mots qu'il dit à mon oreille.

- C'est tellement ridicule !

"Et revoilà le Merry plein de tact auquel je m'était habitué!" 
Dis-je dans ricanement.
"Tant mieux, il m'avait manqué..."

- Dis pas des trucs comme ça, ça fait comme si j'avais deux personnalités.

Je hausse un peu les épaules en croisant distraitement les jambes, regardant dehors à travers la fenêtre, au bout du salon. Bon... Qu'est-ce que je dis maintenant ? Rien de spécial j'imagine... Il a l'air de mener encore la discussion alors... Oui, voilà. Je vais simplement le laisser parler jusqu'à ce qu'il ait marre.

Uhm... Il n'a pas l'air prêt à relancer la conversation... Je n'ai rien contre les longs silences -si, en fait je les déteste!- mais il faut dire qu'au téléphone, c'est rapidement handicapant... Je me remémore notre discussion pour essayer de trouver un moyen de faire redémarrer la machine. Certes, on pourrait aussi bien terminer la conversation ici mais je n'en ai pas envie! Du moins, pas avant de lui avoir laissé une chance de se poursuivre... Je sais!

"N'est-ce pas déjà le cas? "Le fameux Merry Gallagher: Prof tyrannique la nuit et vampire maladroit le jour"! Pas mal, non?"

La balle est dans ton camps Merry...

Je glousse plus que je ris cette fois-ci, me mordant la lèvre sous le regret qui vient de me traverser le coeur. C'est juste hyper gênant ça comme son, mais j'arriverais sûrement à faire encore pire bientôt.

- Là, ça sonne comme un vieux film d'horreur ! Toi, t'aurais le rôle du scientifique fou !

"Bien entendu, j'ai déjà la blouse blanche!"

En disant cela, je regarde l'étendoir sur lequel sèche la dite blouse qui, après maint et maint tours en machine continue à s'accrocher désespérément à ses taches diverses et variées...

"Du coup, je pourrais me servir de tes élèves comme cobayes? Je préférerais plutôt que d'utiliser de véritables êtres vivants et pensants genre... de vrais cobayes...."

Je ris de nouveau, secouant la tête.

- Je crois que je pourrais être renvoyé pour ça... Bon, on a qu'à dire que tu prends la moitié !

Je souris et ramène mes jambes sur le canapé, repliées. Cette conversation est plutôt agréable, étonnamment. Pourtant, elle ne mène à rien. Elle est juste agréable.

"La moitié... Bon, si je prend que le haut, ça va? Comme ça j'ai quand même une trentaine de têtes et le prof d'EPS n'aura pas besoin de changer le programme pour ce qui est du saut en longueur et de la course à pied!"
Je rigole de ma propre bêtise, particulièrement heureux car lui aussi semble apprécier cette discussion.

Je ris de nouveau, me laissant retomber sur le canapé pour m'allonger tranquillement, tendant les jambes en l'air pour me distraire. Je suis à l'aise. Très à l'aise. Je souris et les balance très légèrement.

- D'accord, moi ça me va ! Et puis au moins, en tant qu'adolescent ils pensent déjà avec leur entre-jambe, cette fois ils auront une excuse !